Après la Grèce il y a quelques mois, c’est l’Irlande qui a secoué l’Europe ces derniers jours, en raison d’en endettement trop important et de difficultés de financement à court terme. Réagissant rapidement, grâce à l’expérience de la Grèce et la mise en place du Fonds Européen de Stabilité Financière, l’union européenne et le FMI ont alors poussé l’Irlande à accepter un plan d’aide de 85 Milliards d’euros, destiné à recapitaliser des banques irlandaises et le financer le trésor irlandais pour les prochaines années.
Mais au delà de cette intervention pécunière, c’est une décision politique importante sur laquelle je souhaiterais revenir aujourd’hui. Cela n’a pas fait grand bruit dans les médias (je ne parle pas là des médias spécialisés), mais les conséquences pourraient être particulièrement importantes, et pas forcément très positives pour chacuns d’entre nous.
Le plan d’aide à l’Irlande a en effet été accompagné d’un accord politique européen définissant une nouvelle ligne de conduite pour l’avenir. Que se passerait-il en effet s’il fallait venir en aide au Portugal, puis surtout à l’Italie ou à l’Espagne, qui sont autrement plus imposants que l’Irlande… ?
Jusqu’à présent, il était impensable d’envisager qu’un pays membre de la zone euro puisse faire défaut. Ce n’est désormais plus le cas. A partir de la mi-2013, il sera possible, par le recours à une procédure dite « clause d’action collective », de réunir les porteurs de la dette d’un état pour décider d’en organiser le défaut. En d’autres mots, par une décision à la majorité qualifiée (75%), il pourra être possible de déclarer un pays en faillite et de renégocier sa dette, un peu sur le modèle du « chapter 11 » américain pour les sociétés privées.
La dette pourra ainsi être réechelonnée dans le temps, les taux et les intérêts pourront être renégociés, tout comme le montant exigé à terme. Ce qui occasionnerait naturellement des pertes potentiellement importantes pour les créanciers, comme c’est le cas aujourd’hui avec les emissions privées lorsqu’une société vient à faire défaut.
Mais en quoi cela peut-il nous concerner, nous épargnants, dans notre vie de tous les jours ?
Jusqu’à aujourd’hui, les emprunts d’état représentent la sécurité maximale pour un investisseur. C’est là dessus que s’appuie ce que l’on appelle le marché monétaire, ou encore les fonds euro des assurances vies. Des investissements qui ne rapportent pas énormément, mais qui sont considérés comme sécurisés, sans risque de perte en capital.
Or avec la mise en place d’une telle procédure, on pourrait assister à l’instauration d’une prime de risque bien plus importante sur un certain nombre d’émissions souveraines, avec pour conséquence des taux plus importants mais aussi le risque de perte en capital. Outre le fait que les émissions considérées comme sécurisées pourraient se réduire comme peau de chagrin (combien de pays peuvent-être considérés comme exempts de risque ?), l’instauration d’une telle politique pourrait peser sur les marchés obligataires, les investisseurs réclamant des rendements plus élevés pour tenir compte d’un risque augmenté.
Nous nous dirigeons donc vers une disparition programmée des investissements considérés comme sans risques… ce qui ne sera naturellement pas sans conséquences, ne serait-ce qu’au niveau du moral de nos concitoyens, déjà durement touchés avec la crise. Rarement la confiance en l’avenir n’a été aussi basse, en raison des nombreuses incertitudes qui pèsent sur nos têtes : emploi, retraite, écologie, et j’en passe. Mais on pouvait encore se rassurer et assurer ses vieux jours en épargnant sur son livret A ou dans une assurance vie en fonds euro.
Qu’adviendrait-il si cela n’était plus possible ? Cela ne va-t’il pas pousser encore un peu plus les investisseurs vers l’immobilier (malgré des prix déjà souvent exhorbitants et des rentabilités locatives ridicules) ? De quoi faire également peut-être gonfler la bulle sur l’or ? Deux placements qui ne sont soit dit en passant pas sans risques, loin s’en faut…
Il pourrait en tout cas rapidement apparaître moins risqué d’être actionnaire ou détenteur d’obligations d’une belle entreprise privée que créancier d’un état en difficulté, même si les taux s’ajusteront naturellement à la hausse pour refléter cette augmentation du risque.
Ce qui nous amène d’ailleurs à une deuxième conséquence : l’augmentation des difficultés auxquelles devront faire face les états déjà fragilisés. Avec des primes de risques plus élevées, leurs coûts de financement s’en verront en effet augmentés, ce qui aura pour conséquence d’augmenter encore leurs difficultés. Un vrai cercle vicieux… qui a déjà entraîné la Grèce et l’Irlande là où on sait.
D’un autre côté, si une société peut faire faillite, pourquoi un état serait-il immunisé ? Et puis s’il n’y a plus de placements dits sécurisés (encore que je fais confiance aux banques pour trouver de nouvelles combines pour proposer des placements « sécurisés »…), peut-être que cela poussera nos concitoyens à se tourner un peu plus vers l’investissement ?
Puissent au moins ces nouvelles décisions obliger nos gouvernement à gérer leurs (nos) affaires en « bon père de famille »… C’est peut être utopiste, mais on peut rêver, non ?