La taxe sur les transactions financières qui a été adoptée inextremis le 31 juillet pour une entrée en vigueur dès ce premier août 2012 est une vraie aberration. Non pas que je sois contre le principe d’une taxe sur les transactions financières, mais quand on voit son champ d’application et qui sera réellement pénalisé, il y a de quoi être écœuré!
Avant de pointer du doigt les nombreuses incohérences de cette taxe, voyons un peu plus en détail comment elle fonctionne.
Les contours de la loi
D’un montant de 0.2%, elle ne s’appliquera que sur les achats d’actions d’entreprises dont le siège est en France, et dont la capitalisation boursière est supérieure à 1 milliard d’euro. Seule une grosse centaine d’actions devraient être concernées, mais naturellement parmi les plus traitées à la bourse de Paris.
La vente d’actions ne sera par contre pas concernée, seul l’achat étant taxé. Les produits dérivés et autres CFD ne seront pas concernés, tout comme les opérations SRD ou les achats/ventes effectués dans la même journée.
Qui sera impacté ?
Compte tenu des éléments vus ci-dessus, ceux qui seront impactés en premier lieux sont les investisseurs particuliers dits « bons pères de famille », qui investissent sur plusieurs semaines ou plusieurs mois sur des actions françaises.
Les spéculateurs qui travaillent avec des produits dérivés ou en SRD, les tradeurs intraday ou les banques qui pratiquent le trading haute fréquence ne seront par contre pas concernés.
Bref, alors que cette taxe était annoncée comme un moyen de lutter contre la spéculation et les dérives des marchés financiers, elle ne fera qu’impacter un peu plus des investisseurs particuliers qui ont déjà payé un lourd tribu à la crise, avec 3 krachs en 10 ans, et une très forte augmentation de la taxation sur les plus-values et de la CSG/CRDS. On voudrait tuer l’actionnariat en France qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Les conséquences d’une loi aberrante
1 – Nous venons de le voir : ceux qui seront le plus touchés ne sont absolument ceux qui étaient visés par cette loi (à moins que cette loi n’ait eu qu’un but électoral ? On nous aurait menti ?). Cette loi ne servira en tout cas absolument pas à lutter contre la spéculation et le trading haute fréquence. Elle pourrait même les encourager, puisque l’investissement classique, déjà éprouvé ces dernières années, sera encore moins rentable.
2 – Sachant que seules les entreprises ayant leur siège en France seront concernées, les investisseurs vont très probablement se détourner vers les actions des sociétés étrangères. La bourse de Paris, déjà bien basse, n’en aura que plus de mal à se relever, tandis que nos entreprises, dont les cours seront affaiblis, pourraient devenir la proie d’entreprise étrangères.
3 – En détournant les investisseurs des marchés actions, au profit sans doute des produits dérivés, cette loi va impacter les courtiers actions français, et favoriser les courtiers étrangers, bien plus présents sur le marchés des dérivés et du Forex. Et si cela devait conduire un courtier ou plusieurs courtiers à mettre la clef sous la porte, cela ne ferait encore que rajouter à la mort des investisseurs particuliers.
4 – Sachant que beaucoup vont contourner la loi, seront moins actifs ou arrêteront tout simplement d’investir, cette taxe rapportera bien moins que prévu. Il faudra donc trouver de l’argent ailleurs, ce qui ne manquera pas de retomber de nouveau sur les investisseurs, ou même la population dans son ensemble.
Conclusion
Nous venons de le voir : cette taxe sur les transactions financières ne s’attaque absolument pas à la cible annoncée, elle sera probablement inefficace, et pourrait même avoir des effets de bord néfastes pour nos entreprises et pour les courtiers en ligne.
Dans un tel contexte, on est donc en droit de se demander si nos responsables politiques sont incompétents et ignorants en ce qui concerne les marchés financiers (ce qui ne serait que le reflet du niveau de connaissance général de la population française en ce qui concerne la finance en général et la bourse en particulier), au point d’être passés à côté des incohérences et aberrations de cette loi; ou s’ils se moquent tout simplement de nous, s’appuyant justement sur le manque de connaissances de la population pour faire passer une loi démagogue dont l’objectif n’est qu’électoraliste, et qui se garde bien d’impacter nos grands établissements financiers au lobbying surpuissant.
Dans les deux cas (classe politique incompétente ou à la solde du lobbying bancaire), c’est proprement désolant. Gestionnaire de portefeuille sous mandat, et essayant de faire mon travail honnêtement et dans l’intérêt avant tout de mes clients, je compte bien résister et tenter de minimiser autant que possible l’impact de cette loi (je suis rémunéré sur les plus values générées, et serai donc directement impacté par une baisse des plus values). Mais avec quels moyens ?
Même si je ne suis pas prêt à baisser les bras, c’est en tout cas épuisant de se voir mettre autant de bâtons dans les roues, année après année, alors justement que j’essaye de proposer un service différent de celui proposé par la plupart des établissements financiers. Établissements qui s’empresseront naturellement de répercuter cette taxe sur leurs clients (en leur expliquant qu’ils n’y sont pour rien), sans être impactés eux-même puisque travaillant avant tout en intraday et en THF. Résultat, il sera encore plus difficile pour les particuliers de gagner de l’argent en bourse (et d’autant plus par l’intermédiaire des banques, qui n’auront pas la possibilité de se reporter sur les smalls et midcaps), tandis que les banques continueront de générer des milliards!
Mais je n’ai pas dit mon dernier mot. J’ai déjà commencé à étudier différentes options pour contourner ce problème ou tout au moins minimiser l’impact de cette taxe, afin que mes clients et moi même soyons le moins pénalisé possible.