Pour ceux qui ne l’aurait pas vu, lu ou entendu, Henri Proglio, PDG actuel de Véolia Environnement, va remplacer Pierre Gadonneix à la tête d’EDF. Le jeu des chaises tournantes dans le cercle très fermé des grands patrons français connaît donc là un nouvel épisode après les très nombreux précédents, même si dans le cas présent, nous sommes dans une situation un peu particulière puisque les deux entreprises sont déjà liées via une filiale commune Dalkia, puisque Mr Proglio fait déjà partie du comité stratégique d’EDF, puisque EDF possède une participation de 4% au capital de Véolia, et que l’on parle d’un éventuel rapprochement entre les deux groupes.
Une spécificité quoiqu’il en soit bien française, qui a de quoi susciter quelques interrogations et indignations… D’autant que ceci s’ajoute à un état toujours très présent dans la gouvernance de nos grandes entreprises, (il s’agit ainsi là plus d’une nomination de la part de N. Sarkozy qu’un recrutement libre et consentant), dont les conseils d’administration, au sein desquels on retrouve un peu toujours les mêmes personnes, pourraient être assimilés à une sorte de secte.
Je ne sais pas d’où vient cette « ingérence » de l’état français au niveau des grandes entreprises ni la mise en place de ce cercle très fermé de décideurs – peut être en partie de l’époque des nationalisations – ce que je sais par contre, c’est que ce n’est pas comme ça que l’on réconciliera les français avec le patronat et l’économie de marché…
Cette intervention n’a bien sûr rien de personnel contre messieurs Gadonneix ou Proglio (que je ne connais pas), et je ne me permettrai pas de jugement sur leurs compétences de dirigeants, mais un tel fonctionnement m’amène à quelques interrogations, qui viennent s’ajouter au système pour le moins contestable des parachutes dorés ou des salaires extravagants des patrons qui ont fait l’actualité ces derniers mois.
Pourquoi la loi du marché ne s’applique t-elle pas pour nos grands patrons (rémunération, recrutement), pourquoi n’y a t-il pas libre concurrence pour l’accès à de tels postes (ils sont ainsi nommés et non pas recrutés selon un processus « classique »), pourquoi n’est-il pas tenu compte de leurs résultats ou de leurs connaissances du secteur, quelle légitimité ont-ils auprès de leurs salariés, quelle image donne t-on auprès des investisseurs étrangers ? Et j’en passe…
Si je veux bien comprendre qu’on ne dirige pas un grand groupe international de la même façon qu’une PME familiale, si je veux bien comprendre qu’il y ait des intérêts et enjeux nationaux, et si je veux bien comprendre qu’une intervention ou tout du moins un contrôle de nos responsables politiques puisse quelque part se justifier, d’autant que l’état est souvent actionnaire de ces grands groupes, on ne peut que se poser des questions sur les conséquences d’un tel fonctionnement.
Ces grands patrons, qui font tous plus ou moins partie du même grand cercle privé, et qui se partagent les conseils d’administrations (tous les grands patrons sont ainsi chacun membres de plusieurs conseils d’administration ou de gouvernance au sein des autres grandes entreprises du CAC ou assimilées), agissent-ils réellement dans l’intérêt des entreprises qu’ils dirigent ? Sont-ils les mieux placés et sont-ils les plus compétents pour accomplir la tâche qui leur est confiée ? Qu’ils aient ou non de bonnes intentions, il est inévitable qu’il y ait des dérives et que cela finisse en copinage et arrangements divers.
Et quel image donne t’on du patronat ? Alors que nous sommes en pleine crise, que l’écart entre les classes favorisées et défavorisées ne cesse d’augmenter, que les licenciements n’ont cessé d’augmenter ces derniers mois, et que nous avons tant besoin que les patrons et salariés puissent travailler ensemble dans une même direction, les grandes entreprises et l’état français donne un bien mauvais exemple. Le problème étant qu’il y a un monde entre les grandes entreprises et les PME qui constituent la majorité du tissu économique et social de notre pays, et que cette différence n’est pas forcément perçue par la population dans son ensemble.
On pourrait continuer comme cela longtemps, et je vais donc m’arrêter là, non sans revenir quelques instants quand même sur l’affaire du jour : quelle peut donc bien être la réaction des salariés de Véolia, qui se voient piquer leur patron à la faveur d’EDF, un patron qui, fait assez rare au sein d’une grosse entreprise française pour être signalé, travaille depuis plus de 30 ans au sein de l’entreprise ?
Si le changement d’un PDG à la tête d’une si grande entreprise ne devrait pas bouleverser grand chose dans la pratique, les salariés de Véolia ne risquent-ils pas de se sentir lésés et « délaissés » au profit d’EDF ? Alors que Mr Proglio ne semblait pas au départ très partant pour un tel changement, il devrait toutefois conserver un siège au conseil de Véolia, à l’image de qu’il s’était passé il y a quelques mois pour Mr Mestrallet, patron de GDF-Suez après la fusion, mais qui est resté président du conseil d’administration de Suez Environnement. Ne changera t’on donc jamais ? Et au fait, Véolia étant encore une entreprise privée aux dernières nouvelles, les actionnaires n’ont-ils pas leur mot à dire ?