Il est un sujet dont on parle peu, mais qui, chaque jour, anime les marchés actions : je veux parler des recommandations des analystes financiers.
Ces derniers, qu’ils fassent partie des plus grandes sociétés de courtage ou de notation américaines, comme Merril Lynch, Morgan Stanley et bien d’autres, ou des grandes banques européennes, comme la Société Générale ou la Deutche Bank, sèment chaque jour au gré des marchés financiers leurs recommandations, qui passe à « l’achat fort », qui recommande de « surpondérer », ou encore qui passe à « sous-performer » telle ou telle action.
Ils ont leur propre jargon, leurs codes d’expression. Je ne rentrerai pas dans le détail de ce langage, car il est finalement relativement compréhensible dans ses conclusions, même s’il peut être parfois intéressant de savoir lire entre les lignes. Nous y reviendrons.
Qu’en est-il de leur rôle et de leur influence ? Au premier abord, ce type de recommandation peut paraître tout à fait intéressant : faites par des professionnels de l’analyse financière, souvent spécialistes de leur secteur, ils livrent la synthèse de leur travail et permettent à tout un chacun de se faire une opinion, et de prendre ses décisions d’achat ou de vente.
Mais de nombreuses études ont été faites, dès les années 30, donnant des résultats assez contrastés. Certaines donnent des résultats positifs, notamment depuis les années 90, conduisant à une surperformance par rapport aux indices, mais encore faut-il savoir interpréter et les remettre dans leur contexte. De fait, dans l’ensemble, il est assez difficile de se faire une opinion très tranchée sur leur efficacité, et ce d’autant plus que les cabinets d’analyse se sont multipliés.
Il faut dire qu’il est aussi assez difficile de se faire une idée sur la réelle indépendance de ces analystes, sur de nombreux possibles conflits d’intérêts, quand on voit que certaines banques ou sociétés de courtage sont parties prenantes dans le capital de sociétés qu’ils analysent, ou encore qu’ils gèrent des fonds et autres OPCVM, ou simplement leurs propres portefeuilles actions. Certaines banques sont également émettrices de produits dérivés, ce qui peut être une raison de plus pour quelques tentations de manipulation de cours.
Sans douter de qui que ce soit, chaque analyste étant tenu à des règles de déontologie, voilà quelques éléments qui permettent en tout cas de pondérer l’objectivité des conseils prodigués.
Autre point assez déroutant : la forte proportion de conseils positifs (achat, surpondération, renforcement, etc…), par rapport aux conseils de vente ou d’allègement. Il semble en fait qu’il soit mal vu de proposer des conseils de vente, alors que la très grande majorité des investisseurs interviennent à la hausse. Il faut donc parfois savoir lire entre les lignes : des « conserver », « sous-pondérer », voir même « accumuler » cachent parfois des recommandation de vente. Autre point à regarder : l’objectif de cours donné, qui, couplé à la recommandation, permet de se faire une idée plus précise sur l’opinion de l’analyste.
Ces conseils peuvent-ils donc réellement être utilisables par le petit actionnaire ? Quelle est leur influence sur le marché ?
Il suffit de regarder quelques-uns de ces conseils, et le comportement du cours le jour de publication de la recommandation, pour se rendre compte d’un impact évident sur le marché, même si cet impact est dépendant de la renommée de la société d’analyse financière émettrice. Cet impact peut durer deux ou trois jours parfois, mais il va vite en s’atténuant… avant souvent même que le cours ne reparte en sens inverse. Pourquoi ? Certains dirons que lorsqu’une société donne un conseil d’achat, c’est qu’elle veut vendre ses titres, et inversement, afin de trouver la contrepartie suffisante. Pourquoi pas, même si l’on peut espérer que les autorités de marché veillent pour éviter de telles manipulations, malgré des difficultés évidentes pour pouvoir prouver quoique ce soit. On peut également s’apercevoir que bon nombre de conseils interviennent après la bataille, à l’achat alors que le cours a déjà bien monté, ou inversement à la vente. Il faut en effet un certain temps à l’analyste pour faire son travail, compiler les données financières, avant de publier leur recommandation. Il est donc souvent un peu tard – je vous proposerai d’ici peu quelques exemples détaillés lors d’une de mes prochaines publications – et en dehors du long terme, ces recommandations ne semblent donc que peu valables… Encore faut-il que notre cher analyste ne change pas d’avis entre temps.
En conclusion, s’il reste très intéressant de connaître les différentes recommandations chaque matin, ne serait-ce que pour expliquer quelques variations importantes ou à contresens des marchés, il est bien délicat de les utiliser, si ce n’est éventuellement en trading très court terme. Et encore, comment faire lorsque plusieurs cabinets d’analystes ne sont pas d’accord, ce qui est d’ailleurs relativement fréquent ?
A bientôt pour quelques exemples détaillés.
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