La crise est finie !

Si si, je vous assure! La preuve ? Le Dow Jones a franchi les 10.000 pts… Si ce n’est pas un indicateur économique irréfutable, ça! Comme on pouvait s’y attendre, et comme annoncé dans nos analyses quotidiennes depuis quelques semaines, cet objectif psychologique majeur a été atteint et dépassé hier, et a déjà commencé à être repris en boucle par les médias, qui claironnent à coup d’interviews d’analystes plus experts en retournement de veste qu’en prévisions économiques que l’économie et les marchés sont sortis de l’ornière.

Ce n’est peut-être pas faux, au moins à court terme, et comme tout ceci est aussi très psychologique, pourquoi pas utiliser la méthode Coué? Bien sûr, il y a un mieux, avec un retour à la croissance dans certains domaines ou au niveau de certains indicateurs, mais d’autres ne font qu’infléchir leur repli. C’est évidemment un point positif, mais sans vouloir jouer les Cassandre comme certains savent très bien le faire à but purement commercial et lucratif, il me semble bien trop tôt pour crier victoire, alors que l’économie est encore sous perfusion, et surtout que bon nombre des problèmes à l’origine de la crise n’ont pas été réglés (et ne le seront sans doute pas avant une nouvelle crise peut-être plus grave encore, ce qui est peut-être le plus regrettable). Les banques ont recommencé leur spéculation et leurs manipulations de marché, même si c’est sans doute avec des effets de levier moindre (mais pour combien de temps ?), les normes comptables ont certes été revues mais pas le système en profondeur, les banques d’affaire et banque de détail continuent de ne faire qu’un, tandis que tout le monde s’est caché derrière l’arbre des bonus des traders pour ne surtout pas voir la forêt de réformes et bonnes intentions de l’automne dernier, qui finiront sans doute aux oubliettes pour la plupart… avant la prochaine crise.

Cette crise était une belle occasion (zut, je me met à parler au passé… Ne devrait-on pas dire « est » ?), un mal pour un bien, qui aurait pu permettre de remettre certaines choses à plat, et faire en sorte que notre système capitaliste corrige ses excès pour fonctionner de façon un peu plus harmonieuse. C’était utopiste et sans compter sur la nature humaine, et le pouvoir décisionnaire qui reste dans les mains de ceux que ce système a placé là où ils sont. Pourquoi vouloir le remettre en cause au risque de perdre ses privilèges et son petit confort ?

J’ai lu il y a quelques semaines le livre « La crise, et après ? », de Jacques Attali : il y énonce un certain nombre de mesures pour remettre le monde sur de bons rails, parmi lesquelles réduire massivement et progressivement l’endettement, favoriser l’épargne, interdire les instruments financiers fondés sur des valeurs d’actifs spéculatifs, obliger les banques à conserver une partie des créances qu’elles titrisent, limiter les effets de levier, intégrer les actifs immobiliers et mobiliers dans l’inflation, mettre en place un système règlementaire global et une gouvernance internationale, et j’en passe énormément. Bien sûr, la plupart de ces mesures ne peuvent être mises en place en quelques mois, et il faudra même sans doute plusieurs années pour certaines.

Mais quelle sera la motivation des différents acteurs dans quelques années, lorsque tout ceci ne sera qu’un lointain souvenir ? Encore une fois, sans doute faudra t’il une prochaine crise, peut-être plus grave encore, pour que tout ceci soit enfin remis à plat ? Comme le dis Jacques Attali, « il aura fallu mille ans de guerres pour que les Européens s’y résignent [à se soumettre à une solution supranationale], nous n’avons pas encore eu mille an de guerres mondiales… » Sans aller jusque là, d’autant que tout va plus vite aujourd’hui, il y a fort à craindre effectivement que nous devions attendre une ou plusieurs autres crises (qui pourraient d’ailleurs être de plus en plus rapprochées), pour que l’homme, forcé et contraint, parce qu’il n’aura pas d’autre choix, ne se décide à mener des opérations de fond. L’empire Romain ne s’est pas effondré en un jour et en une crise, il en sera de même des Etats-Unis. Espérons juste que cela ne se fasse sans trop de casse ni de dommage collatéraux. Mais est-ce bien réaliste ?

On pourrait continuer comme cela longtemps, dans ce qui tournerait à un débat sans fin. Recentrons-nous donc juste quelques instants sur ce qui a été à l’origine de cet article : le franchissement des 10.000 points par le Dow Jones. Quand on sait comment ce dernier est calculé…, il s’agit tout d’abord bien sûr de relativiser cet évènement. Mais il n’est pas possible non plus de nier son côté psychologique. La crise s’est réellement propagée à l’économie mondiale il y a un an, avec la faillite de Lehman Brothers et la perte de confiance totale qui s’en est suivie, amenant bon nombre des acteurs de notre économie à s’arrêter, comme pétrifiés, dans l’attente d’en savoir plus. La confiance se perd très vite, il est beaucoup plus long pour la retrouver. Il faut également bien sûr distinguer la confiance des industriels, des entrepreneurs, de celle des consommateurs et de la population. Lehman Brothers a douché la confiance des professionnels et des banques, avant que cela ne se propage aux consommateurs, déjà touchés par la crise immobilière américaine. Le franchissement des 10.000 pts impactera plus la confiance des consommateurs, qui, s’ils ont le sentiment que l’on sort du gouffre, reprendront peut-être espoir. Mais ce sera long, et il faudra surtout qu’ils notent des améliorations sensibles sur le front du chômage. Et pour cela, il faut que la confiance revienne au niveau des entreprises. On est sur la bonne voie, et c’était le rôle majeur des opérations de soutien à l’économie et aux banques, mais il faut désormais passer la seconde, et que les entreprises apprennent à voler de nouveau de leurs propres ailes. Cela ne se fera pas en un jour, et cela ne sera pas simple, d’autant que les risques demeurent et sont loin d’être négligeables : quid de l’endettement ? Quid de la chute du dollar et de la remontée des matières premières et de l’or ? Quid des risques d’inflation comme des risques de déflation ? Quid de la situation géopolitique au moyen orient ? Et j’en passe encore et des meilleurs.

Si ces risques sont un des paramètres qui ont paradoxalement poussé le marché à la hausse ces derniers mois, par effet contrarien et par l’effet mécanique de ceux qui coupent leurs positions baissières ou ceux qui courent après le papier car n’ayant pas cru à ce rebond, il y a bien fallu un catalyseur pour inverser la tendance. Et c’est là qu’on se rend compte que ces phénomènes ne sont pas tous si encourageants que cela quant au fait que nous soyons sortis de la crise.

Le premier phénomène tient à un épuisement des vendeurs et des marchés tombés trop bas, portant les valorisations à des niveaux souvent tellement ridicules (prenant en compte le pire des scénarios) que cela a suscité l’intérêt de quelques vautours, rejoints petit à petit par des investisseurs ayant retrouvé un volant de liquidités.

Certains évoqueront ensuite une manipulation de la part des banques, qui, se servant de l’argent frais versé par la FED, ont fait monter la mayonnaise pour mieux piéger les spéculateurs baissiers et tirer le maximum de bénéfices tant qu’il en était encore temps. Je ne m’étendrai pas la dessus, n’ayant pas de preuve et ne voulant pas rentrer dans la polémique.

Et ce d’autant plus qu’il y a plein d’autres raisons pour justifier le rebond actuel, à commencer par le niveau des taux, qui fait que les placements monétaires ne présentent quasiment plus aucun intérêt, tandis que l’obligataire souffre de craintes inflationnistes et que l’immobilier ne semble toujours pas sur la voie de la croissance. Que reste t’il alors aux investisseurs disposant de cash ? Les marchés actions bien sûr.

Ce rebond, s’il peut être mis bien sûr sur le dos d’un mieux économique, provient aussi pour beaucoup d’un simple réajustement après une chute trop violente due notamment au « deleveraging » (de la même façon que nous avons assisté à un restockage au niveau des entreprises après le brusque déstockage de l’automne 2008), et d’une réaffectation des liquidités « faute de mieux », pourrait-on être tenté de dire.

Est-ce à dire que ce rebond n’est qu’un leurre, et qu’il faille fuir les marchés actions, ce rebond ne s’appuyant pas sur une réalité économique ? La réponse ne se résume bien sûr pas à un oui ou un non, car les choses ne sont pas si simples. Je vous donne donc rendez vous dès demain pour la fin de cet article. En attendant, n’hésitez pas à réagir ici-même.

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