Faut-il fuir les marchés ?

Pour faire suite à mon intervention d’hier, voici donc quelques éléments de réponse à la question sur laquelle nous étions restés : faut-il fuir les marchés actions, compte tenu d’un rebond qui ne semble pas s’appuyer sur une réalité économique tangible ?

Si on considère tous les risques qui pèsent encore sur notre économie, le chômage, les tensions géopolitiques, si on considère que rien n’a réellement été réglé du côté des causes de cette crise et du fonctionnement de la finance mondiale (si ce n’est un retour en arrière sur les normes comptables), alors on pourrait être tenté de répondre oui.

Si on considère l’amplitude du rebond enregistré depuis mars, puis depuis la mi-juillet, et la vitesse de ce dernier, on serait également tenté de répondre oui, au moins dans une optique de court terme.

Si on considère les facteurs vus hier, à l’origine du rebond que nous connaissons ces derniers mois, il n’y a pas non plus de quoi être particulièrement rassuré.

Et même si on partait de l’hypothèse d’une reprise économique progressive dans les prochains mois, ne pourrait-on pas considérer que cette reprise a déjà été anticipée par les marchés, qui risqueraient alors de se focaliser sur les risques d’une prochaine crise, venant du fait que rien n’a été fait en profondeur pour revenir à un système plus « raisonnable » ?

Pour autant, comme nous avons connu un cercle vicieux entre l’éclatement de la crise des subprimes à l’été 2007 jusqu’à la faillite de Lehman Brothers et une contagion à l’économie entière à l’automne 2008, la baisse des marchés alimentant les difficultés des banques et acteurs économiques, entraînant elles-même le repli des bourses, nous sommes entrés dans un cercle vertueux depuis quelques mois, la hausse des marchés aidant les acteurs à reprendre confiance, entretenant ainsi la reprise économique.

En ce sens, le franchissement des 10.000 pts, s’il peut paraître complètement artificiel et anecdotique, contribue également à ce retour de la confiance, bien aidé il est vrai par le battage médiatique qui est fait autour de cette évènement. Mais ne sont-ce pas également les médias qui ont fortement contribué à la perte de confiance de fin 2008 et début 2009, en nous ressortant la crise à tout bout de champ ? Rappelez-vous les émissions de télévision de cette époque ou les unes des journaux…

De fil en aiguille, si la situation nous paraît encore bien fragile et les risques nombreux, ce cercle vertueux pourrait permettre à l’économie de se redresser, justifiant ainsi a posteriori le rebond des marchés auquel nous assistons aujourd’hui, comme l’éclatement de la crise financière et sa propagation à l’économie réelle a pu justifier a posteriori l’effondrement des marchés depuis l’été 2007. N’oublions pas que les marchés ont en général 6 à 9 mois d’avance sur l’économie. Les marchés ont entamé leur rebond en mars : 6 mois plus tard, nous entrevoyons les premiers signes de reprise. Considérant le rebond intervenu sur les marchés depuis 6 mois, il y a du coup de quoi être plus optimiste sur le redressement de l’économie dans les prochains mois, qui pourrait alors aider à un retour de la création d’emploi, au retour de la confiance des consommateurs, pour déboucher sur un réel redémarrage de l’économie, poursuivant ainsi le cercle vertueux.

Mais il y a aussi une autre façon de voir les choses, à double tranchant cette fois-ci : si on considère qu’une part importante de la baisse à partir de l’automne dernier est à mettre sur le compte du deleveraging, et donc de ventes forcées sans rapport avec la réalité des entreprises, si on considère que les replis enregistrés sont allés bien trop loin, alors le rebond que nous avons connu depuis quelques mois a certes été rapide, mais pas plus que la chute qui l’avait précédé, et il n’a fait que nous ramener sur les niveaux sur lesquels nous étions il y a à peine plus d’un an, lors de l’éclatement de finance américaine. A cette époque là, nous avions dejà derrière nous plus d’un an de repli, avec des marchés qui avaient déjà perdu un tiers de leur valeur. N’était-ce pas suffisant ? Il y a certes eu un trou d’air au niveau de l’économie, mais on peut considérer que ce trou d’air était pour beaucoup artificiel et plus à mettre sur le compte de l’asphixie du circuit interbancaire qu’à un réel problème économique, et que la reprise actuelle pourrait n’être elle aussi qu’un simple retour à la normale, après une parenthèse de quelques mois.

Il y a alors deux façon d’analyser la situation, s’appuyant sur le fait que le rebond que nous avons enregistré depuis quelques mois ne constitue qu’un simple rattrapage consécutif à la chute « technique » de fin 2008/début 2009 : en étant optimiste, on considèrera que, la parenthèse étant passée, il reste devant nous le redémarrage économique et un probable retour des bourses sur leurs niveaux de début 2008 voire de 2007, ce redémarrage économique n’ayant pas encore été réellement pricé par les marchés. En étant plus pessimiste (ou réaliste dirons certains), on pourra considérer qu’il n’y a pour l’instant pas suffisamment d’éléments concrets d’une reprise économique, les améliorations entrevues depuis quelques semaines n’étant que les conséquences du rebond technique sur les marchés financiers et d’une simple fin du destockage. Dans cette hypothèse, et compte tenu de risques encore très présents au dessus de nos têtes, l’économie serait très loin d’être tirée d’affaire, et nous pourrions connaître encore de longs mois voir des années de crise, qui se traduiraient alors par un repli à venir des marchés ou tout au moins à leur stabilisation, après la parenthèse que nous venons de connaître.

Et on pourrait sûrement continuer comme cela encore longtemps, avancer encore bien d’autres arguments et points de vues : la conclusion serait sans doute toujours la même : l’incertitude ! Eh oui, nous sommes dans une période particulièrement trouble et délicate à analyser, avec une visibilité réduite et des scénarios particulièrement divergents. Peut-être est-ce d’ailleurs une des raisons de la hausse de l’or ? « Dans le doute, abstiens-toi » dit la maxime. On pourrait donc être tenté de laisser tomber les marchés financiers. C’est d’ailleurs peut être ce que certains ont fait, ce qui pourrait expliquer une part de la baisse des volumes enregistrée depuis le début de l’année. Mais que faire de ses liquidités, quand les alternatives sont aussi peu attractives ?

Une autre solution serait alors de se dire : « puisque je ne sais pas où en sera l’économie et où en seront les marchés dans 3 ou 6 mois, contentons-nous d’intervenir pour une grande partie à court terme, le temps que la situation se décante ». C’est à mon sens l’une des alternatives les plus satisfaisantes, puisqu’elle permet de profiter d’une certaine volatilité tout en s’affranchissant des incertitudes à moyen et long terme. Reste qu’intervenir à court terme n’est pas toujours simple, notamment dans des marchés en tendance comme ce que nous avons connu depuis quelques mois. Heureusement, nous avons l’analyse technique, qui nous est d’une grande aide dans un tel contexte, et a le mérite d’éviter de trop rentrer dans les débats abordés au cours de mes deux articles d’hier et aujourd’hui, débats qui n’ont de toute façon que très peu de chances de déboucher sur un consensus clair… A bon entendeur…

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